PLUS DE 5000 ANS D'UTILISATION

Fleur d'histoire

Le safran est l’épice la plus ancienne au monde.  Ses premières apparitions remontent à plus de 5000 ans. Puisqu’elle traverse plusieurs cultures et continents, il existe autant de mystères et de légendes sur son histoire que de civilisations qui l’ont croisée.

Le mot « safran » tire son origine de l’arabe asfar signifiant jaune via le mot zaferân qui est le nom de l’épice en arabe. Cette étymologie porteuse d’une propriété essentielle, celle de la couleur jaune, témoigne de l’importance dans la culture arabe de la teinture végétale extraite de la plante. Elle se retrouve de manière homogène dans plusieurs langues, allemad (saffran), anglais (saffron), espagnol (azafran), finlandais (saframi), italien (zafferano), hollandais (saffraan) et Polonais (szafran), et le latin s’en inspirera pour arriver au terme français que nous employons aujourd’hui. Le mot « crocus », son nom botanique, est quant à lui la transcription latine du mot grec krokos qui signifie fil ou filament et qui désignait à l’origine les stigmates de la plante. C’est également le nom d’un village de Macédoine où la culture du safran occupe encore des centaines d’hectares.

Le berceau d’origine du safran reste un mystère. Est-il apparu au pied de l’Himalaya au Cachemire ou dans le bassin méditerranéen ? Selon des recherches botaniques récentes, il serait originaire de Crète et non du Cachemire, comme on le disait autrefois.

Le safran n’existe pas à l’état sauvage. Il a un pollen stérile et ne produit donc pas de graines. Il est cultivé et multiplié uniquement par ses bulbes.  Selon les recherches botaniques, il résulterait d’une sélection de Crocus Cartwrightianus, un crocus diploïde de Crète, par des producteurs qui désiraient de plus longs stigmates. L’analyse de l’ADN de Crocus Sativus (un triploïde stérile) confirme que le Crocus Cartwrightianus est l’ancêtre le plus vraisemblable du safran.  Il aurait ainsi été cultivé tout d’abord en Grèce et c’est l’hypertrophie créée lors des croisements qui aurait rendu le safran stérile.  Mais ce sont les Perses qui seraient à l’origine des premières exportations de safran, l’introduisant dans les pays du monde antique, enseignant sa culture et ses propriétés à de nombreux peuples. 

Les plus anciens vestiges de safran se trouvent sur le site d’Akrokiri, dans l’île grecque de Santorini.  Il s’agit de fresques parfaitement évocatrices où l’on voit de petites touffes de safran cueillies par des femmes. Ces fresques sont les premières représentations botaniquement exactes de la plante. Elles ont été recouvertes, et donc protégées, par des cendres volcaniques issues de l’explosion de l’île, datant de 1650-1500 avant J-C.

L’introduction en Inde, au Cachemire, se serait fait par le biais des invasions mongoles ou par l’insistance de quelques dirigeants Perses qui souhaitaient retrouver en Inde les produits familiers de la Perse.  À l’époque, l’or et le safran faisaient partie intégrante, à valeur égale, de la culture perse.

Le safran, largement répandu sur le pourtour méditerranéen, s’utilisait d’abord comme remède, mais était aussi très apprécié en tant que colorant et comme parfum.  La plus ancienne mention de safran en cuisine date de 5000 ans.  Le cuisinier du roi Zohac l’aurait utilisé pour badigeonner le dos d’un veau avec du vieux vin et de l’eau de rose. 

Le safran aurait atteint l’Italie et l’Espagne par l’intermédiaire des musulmans au VIIIème siècle et se serait répandu en France.  La culture du safran en Europe a rapidement décliné à la suite de la chute de l’empire romain. Il semble que ce soient les arabes qui l’aient réintroduite en Afrique du nord, en Espagne et dans le sud de la France au cours de leurs conquêtes. Quand la peste noire a ravagé l’Europe entre 1345 et 1350, la demande pour le safran et sa culture a explosé. Il était convoité par les victimes de la peste pour ses vertus médicinales. Bâle devient une ville prospère grâce à la culture du safran. L’Angleterre d’Edouard III cultive le safran partout et devient un producteur de premier plan. Peu à peu cependant, concurrencé par d’autres cultures, le safran décline et ne se trouve plus qu’en France, Italie et Espagne.

 Il arrive en Amérique en 1730 avec des Allemands fuyant les persécutions religieuses.  Installés en Pennsylvanie, ces Pennsylvania Dutch ont exporté leur safran dans les Antilles pendant de nombreuses années.  Ils le cultivent encore aujourd’hui dans le comté de Lancaster mais en très petites quantités.

Les principaux producteurs de safran durant l’antiquité, L‘Iran (ancienne Perse) l’Inde, L’Espagne et la Grèce continuent toujours à dominer le marché mondial suivi par le Maroc, l’Azerbaïdjan, et l’Italie. 

Le Cachemire a été un important exportateur à travers le temps mais il a connu des difficultés suite à des sécheresses répétées et des mauvaises récoltes. Aujourd’hui, les exportations de ce safran réputé n’existent plus, le pays ayant imposé une interdiction d’exportation.

L’Iran et l’Espagne sont actuellement les plus gros exportateurs de safran dans le monde. Normal pour l’Iran qui produit plus de 80% du safran. Quant à l’Espagne, elle revend sur le marché international 35 fois plus de safran qu’elle n’en produit.

SMILAX ET CROCS

Dans la mythologie grecque, on présente Crocos comme un très beau jeune homme éperdument amoureux de l’inaccessible nymphe Smilax.  Il aurait été attiré à elle puis ensuite rejeté après qu’elle s’en soit lassée. Pour répondre à l’insistance de Crocos, Smilax l’aurait ensorcelé et changé en fleur, le condamnant ainsi rivé au sol, à la contempler sans jamais pouvoir s’unir à elle...   Une autre version mentionne que la beauté de leurs sentiments amoureux impressionna tant les Dieux, qu’ils leur accordèrent l’immortalité en les transformant en fleurs, Crocos en fleur portant son nom et la nymphe en if, symbole d’éternité. On prétend que la sensibilité de Smilax au charme de Crocos se serait amplifiée depuis ce jour où il fut changé en fleur.  On raconte même que pendant les nuits d'automne, les safranières auraient été le théâtre de rencontres parfois tendrement amoureuses, parfois carrément sulfureuses, la rampante Smilax se retirant dès l’aube naissante dans les sous-bois. De leurs jeux amoureux seraient apparus chaque matin les précieux stigmates rouges, blottis au creux des fragiles fleurs mauves, symbolisant la passion éternelle de Crocos pour Smilax. C'est ainsi né de cet amour passionné que l’or rouge aurait acquis sa réputation d'épice aphrodisiaque...

ALEXANDRE LE GRAND

Une légende raconte qu’Alexandre le Grand aurait arrêté dans ses conquêtes vers l’Est. Alors que ses troupes avançaient au-delà de l'Indus sur le plateau du Cachemire, il décida d'installer son campement dans une plaine dénudée qui permettait d'apercevoir un éventuel ennemi à des lieues à la ronde. Le lendemain, il aurait retrouvé son armée au milieu d'un océan de fleurs mauves, apparues subitement, qui allait jusqu'à envahir sa tente et se loger sous les sabots de ses chevaux.
De peur d'être sous l'emprise d'un sortilège et devant ce signe des Dieux, il mit un terme à sa conquête et fit demi-tour avec ses hommes, sans combattre.

POÈTES ANCIENS

Selon Homère et Virgile, les prêtres étaient couronnés de fleurs de safran pendant la fête automnale célébrant les noces du dieu Bacchus et en ornaient leur tête dans le temple de Vénus.  Les auteurs et les poètes anciens nous disent qu’on faisait usage de safran dans les spectacles et les fêtes. On le faisait infuser dans de l’eau pour l’aspersion des temples, des théâtres et des salles. Pline reporte qu’on se couronnait à table de cette fleur, que son évaporation neutralisait les vapeurs du vin, et que les sybarites buvaient du safran avant de se livrer à la débauche de Bacchus ou de Vénus.

Légendes du safran

MITHRIDATE VI, ROI DU PONT

Régnant sur le royaume du pont, au nord de la Turquie, le Roi Mithridate aurait élaboré le premier antidote créé à base de safran. Comme il craignait l’empoisonnement, il s’immunisait en ingurgitant une potion à base de safran dilué dans du miel. L’antidote à base de safran acquit aussi une solide réputation à Rome ou il fut largement utilisé, et transformé en potion préventive contre l'alcool, sur lequel il avait une influence certaine. Quiconque désirait rester relativement sobre avalait, avant le début d'une orgie, une dose d'eau de safran.

L'ENCRE D'OR DE MICHEL-ANGE

Michel-Ange aurait utilisé du safran pour les fresques de la chapelle Sixtine.  Cette teinture s’obtenait en écrasant un mélange de stigmates de safran, de blanc de travertin et de poudre d’ombre dont résultait un pigment jaune. La théologie interprétait le jaune safran comme le symbole du discernement spirituel.

CROCOS & HERMÈS

Selon une autre légende, Crocos serait mort, touché accidentellement à la tête par son ami Hermès alors que les deux amis jouaient au lancer du disque sur l'Olympe. Trois gouttes de sang auraient coulé de sa blessure et fécondé la terre en y entrant.  A cet endroit précis apparut une magnifique fleur mauve au pistil rouge sang, formé de trois stigmates. Depuis ce jour tragique, la fleur de safran, baptisée de son nom, devint le symbole de la vie et de la résurrection. Sa bien-aimée Smilax, accablée de chagrin, se serait alors muée en fleur, la Smilax aspera, communément appelée la salsepareille...

l'histoire du Safran
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